Petit billet d’humeur à propos des documents officiels 2008 concernant l’enseignement des mathématiques à l’école primaire

Publié le par Dom

Les documents d'application et d'accompagnement des programmes 2002 préconisaient des démarches qui s'inspiraient d'une conception constructiviste des apprentissages. On peut bien évidemment comprendre que certaines personnes fassent d’autres choix.

Par ailleurs, on a fait, à tort ou a raison, différents reproches à ces documents comme, par exemple, celui de ne pas accorder une place suffisante à l’acquisition de certains automatismes.

Trouver un juste milieu entre le tout constructivisme et un enseignement qui ne laisse plus aucune place aux activités de recherche me semble, pour ma part, être un objectif raisonnable et on peut bien évidemment comprendre que le ministère ait voulu modifier les programmes.

 

Que s’est-il passé de mon point de vue ? La volonté du ministère a été, me semble-t-il, au moins dans un premier temps, d’effectuer un virage à 180° et de préconiser une conception des apprentissages débouchant, pour faire court, sur un enseignement structuré et explicite des mathématiques, mais, suite à la consultation nationale et aux réactions des spécialistes de la didactique de la discipline, il a du redresser la barre.

Suite à ces péripéties, que préconisent en définitive les IO 2008 en termes de démarche d’apprentissage ? La réponse tient en quelques mots : "Débrouillez-vous comme vous voulez" (c'est "mieux" dit que ça : on parle de liberté pédagogique mais ça revient au même).
Les programmes ressemblent donc à un sommaire de manuel et il n'y a plus aucun document d'accompagnement ou d'application.

Certains s’en réjouissent car ça veut dire qu'on ne préconise pas une démarche unique d'apprentissage.

On peut effectivement le comprendre encore qu'on pourrait imaginer des documents qui présentent pour une même notion différentes démarches d'apprentissage possibles en laissant le choix à l'enseignant.


En conséquence, les documents officiels ne font plus référence à aucune connaissance concernant les contenus à enseigner (juste un exemple mais je pourrais prendre n'importe quelle notion du programme : on ne dit plus qu'il y a plusieurs techniques posées possibles pour la soustraction avec retenue et là ce n'est pas un débat sur les conceptions d'apprentissage ; d'ailleurs les documents 2002 laissaient le libre choix de la technique).

Et surtout on ne fait plus aucune référence aux apports de la didactique des mathématiques (et quand je dis ça, je ne pense pas prioritairement à ce qu'elle dit des conceptions de l'apprentissage). Encore une fois, juste un exemple : dans les IO 2008 on dit qu'un élève de cycle 2 doit savoir "résoudre des problèmes simples à une opération" mais on ne sait pas ce que ça veut dire alors que les documents 2002 distinguaient, par exemple, différents types de problèmes "additifs" et expliquaient pourquoi certains étaient plus difficiles que d'autres (mais comme cette distinction s’appuyait sur les travaux d’un didacticien, Vergnaud pour ne pas le nommer, elle a du sembler, a priori, suspecte).


Il est vrai que le fait de préciser les notions à aborder pour chacun des niveaux me semble être une avancée quoi qu'on puisse penser par ailleurs de l'intérêt de la notion de cycle [on a désormais une page qui ressemble à un sommaire de manuel pour chacun des niveaux ;-)] mais à l'usage, pour les personnes "liste complémentaire" ou les PE2 en stage ces programmes ne sont pas d’une grande utilité. Faut-il aller jusqu'à parler de coquille creuse comme le font certains ?

Vous me direz que, bien évidemment, la formation initiale et la formation continue des enseignants sont là pour apporter les connaissances nécessaires tant au niveau des contenus à enseigner qu'au niveau de la pédagogie générale ou de la didactique de la discipline. C’est vrai et chacun s’efforce de faire de son mieux dans ce domaine mais je ne surprendrai personne en disant que, dans les conditions actuelles, on n’est pas toujours à même de donner à chacun « le SMIC pédagogique » nécessaire (je ne suis d’ailleurs pas certain qu’à court terme il y aura des améliorations dans ce domaine vu l’urgence dans laquelle est mise actuellement en place une réforme de la formation).

Les personnes qui débutent dans le métier se posent cette année beaucoup de questions sans pouvoir trouver dans les documents officiels le moindre élément de réponse à ces questions. On mesure encore mal l’étendue des difficultés dans lesquelles se débattent les enseignants débutants avec ces nouveaux programmes. D'ailleurs que font beaucoup d'entre eux quand ils ne savent pas comment s'y prendre par rapport à telle ou telle notion ? Ils vont consulter les documents 2002 ! ... car quoi qu’on en dise on y trouve des éléments de réflexion fort utiles. Réduire, comme le font certains, ces documents 2002 à des écrits uniquement destinés à vanter les mérites du « tout constructivisme » ne me semble pas objectif ; certains des documents concernant les mathématiques étaient des outils très riches.


Pour ma part, je crois que, si liberté pédagogique veut dire "Faites comme vous le sentez, enseigner n'est pas un métier qui s'apprend, tout est dans le feeling, toutes les méthodes se valent, on se fiche complètement de tous les apports de la recherche et vous n'avez pas besoin d'autre chose que d'un sommaire de manuel pour enseigner comme bon vous semble" on va à la catastrophe.

Donner la liberté pédagogique aux enseignants c'est leur permettre de choisir parmi différentes manières d'aborder une notion celle qui leur semble le mieux convenir à leurs élèves et à eux-mêmes mais pour pouvoir faire un choix encore faut-il avoir des connaissances suffisantes sur les contenus à enseigner et sur les différentes démarches possibles.

 

Remarque : les documents d'application et d'accompagnement des programmes 2002 ne correspondent plus aux programmes mis en œuvre depuis la rentrée 2008. Cependant, ils restent des documents ressources dans lesquels on peut toujours puiser des idées fort intéressantes (idées qu'il faudra, bien évidemment, adapter aux programmes actuels).
Les liens qui existaient sur les sites institutionnels disparaissant peu à peu, vous trouverez, comme je l'avais indiqué dans un article précédent de ce blog, des liens vers ces documents en utilisant cette adresse : http://dpernoux.chez-alice.fr/Docs/docs.htm

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